jeudi 5 février 2009

Tous les chemins mènent à Rome

En feuilletant les statistiques de fréquentation du blogue -- je fais ça quand je ne suis pas occupé à pelleter les 12 mètres de neige qui s'accumulent quotidiennement sur notre maison du centre-ville de Montréal et à compter les jours qu'il reste avant l'été --, j'ai constaté, encore une fois, que vous arrivez au blogue par plusieurs façons. En fait, Google Analytics me permet même d'étudier les mots-clés dont vous vous servez. Et ma foi, c'est intéressant.

Bref, j'ai cru bon de vous livrer ceux qui m'ont étonné. Je ne les invente pas. En voici quelques-uns, sans aucune modification. Oui, il y a des gros mots à connotation tséveuxdire, dont un que j'ai effacé au #10, mais la vie, parfois c'est comme ça.

1-"que je tombe " enceinte patron

2-apprendre ma blonde est enceinte a mes parents

3-blog d un gars qui montre sa bite dans le blog

4-histoire pour rire pectoreaux

5-j'ai l'air enceinte

6-l'infirmiére de mon collègue ma touché la bite

7-quoi répondre blonde pris du poids

8-vacances entre amis couple avec enfants couple

9-dos casser intervention possible

10-tsé quand la fille a suce le gars avec un doigt dans le ...

On n'arrête pas le progrès, je vous dis.

mercredi 4 février 2009

Les excès de la FIV

Par quel bout prendre ça, je vous le demande bien. Je présume qu'un certain nombre d'entre vous avez entendu la nouvelle de cette Californienne qui a eu huit bébés après que les médecins de sa clinique de fertilité eurent transféré huit six -- pas un, pas trois, HUIT SIX -- embryons pour s'assurer que la mayonnaise pognerait.

Ma blonde et moi avons eu la même réflexion: ce sont des inconscients comme ça qui donne une mauvaise réputation à la fertilisation in vitro. De l'excès pur. D'un côté, des médecins gloutons et cupides, qui carburent au profit et aux statistiques de réussite. De l'autre, cette mère qui a pris un risque débile non seulement avec sa santé mais celle de huit bébés.

Ce n'est pas tout. On a vraiment sauté une coche en apprenant, crisse de crisse, qu'elle en avait déjà six autres.

Je me souviens du jour où on s'est finalement rendu compte que ça y est, c'est deux bébés qu'on allait avoir. C'était excitant! Mais dans les jours qui ont suivi, ma blonde a été prise d'angoisse: la grossesse allait-elle se dérouler normalement? Une grossesse gémellaire, lorsqu'elle se passe bien, c'est vraiment ce qui peut arriver de mieux aux infertiles. Mais elle n'est pas sans risques.

À notre première tentative de FIV-ICSI, on a transféré seulement un embryon frais. Il s'est éteint au bout de quelques jours. Alors la deuxième fois, avec des embryons congelés... On se demandait s'il fallait y aller encore là avec un seul, mais le médecin, qui respectait beaucoup notre raisonnement, était loin de penser que c'était la meilleure avenue. On a donc opté pour deux, afin d'améliorer les chances.

C'était en février 2008. Un an plus tard, ils sont toujours deux. Et on remercie le ciel.

samedi 24 janvier 2009

Le Mur de Berlin

D'abord, merci de revenir me lire après ces (trop nombreux) mois de néant. Ça fait chaud au coeur, et j'ose espérer que mes propos, aussi niaiseux soient-ils parfois, apportent quelque chose de pertinent à ce qu'on a vécu, et à ce que vous vivez.

Donc.

Le soir où ils sont nés, au début du mois d'octobre, ma blonde s'installe dans une chambre alors que moi -- j'ai encore l'usage de mes deux jambes, voyez-vous, contrairement à ma blonde, qui vient de subir une césarienne --, j'amène les bébés à ce qui s'apparente à une pouponnière. (Vous me demandez les noms, et je ne peux pas, malheureusement... En raison de mon statut de star interplanétaire, je serais immédiatement démasqué.)

-Bonsoir!, me dit l'infirmière de fonction, qui fait quelque chose dont je ne souviens plus. Elle s'agite, mais en même temps elle est d'un calme monastique, et je me dis que c'est rassurant. Elle est clairement d'ascendance arabe, et pour des raisons que j'ignore, ça me rassure. (Je ne suis pas d'ascendance arabe.)
-Bonsoir...
-Ah des jumeaux!, s'exclame-t-elle. (Merde, il y a un bébé qui dort juste à côté, elle va le réveiller! Mais non. Il est âgé de 3 heures, il dort comme une brique.) -Alors ce sont des bébés FIV?
-Heu, oui. (Dans le contexte, y a-t-il une autre réponse possible? Pourquoi mentir? De toute manière, c'est écrit GROS DE MÊME dans le dossier médical.)
-Donc ils sont très précieux...
-En effet...

"Précieux", qu'elle avait dit. Quatre mois plus tard, c'est encore vrai. Autour de notre maison, il y a un Mur de Berlin. Vous avez un rhume? Restez chez vous, svp. Vous en avez eu un la semaine dernière? Est-ce que vous coulez? Pas vraiment? Attendez encore une semaine. D'ein coup que vous couleriez du nez au mauvais moment... Non, non, vraiment, restez chez vous, ciboire de crisse. Une gastro? HEILLE TABARNAK, déjà qu'on est brûlés ben raide avec la vie réduite à son plus strict minimum, on a tu l'air de vouloir passer nos nuits entières à torcher deux bébés en plus???

Ainsi va notre vie: repousser la maladie. Franchement, je sais pas si on va les sortir de la maison un jour. Pour l'instant, on a une bonne raison: il fait -19 degrés Celsius à Montréal.

Nos bébés ne sont pas plus précieux que ceux de nos voisins, dit ma blonde. La différence, c'est qu'on s'est frotté malgré nous à la précarité. "Tout ne va pas toujours bien. Nous, on s'en est rendu compte et les autres, non...", dit-elle. "On a appris que toutes les situations peuvent être bien précaires."

lundi 12 janvier 2009

"Le club"

Après trois mois et demi de pleurs, de biberons, de sourires et de gazouillis :), on est toujours membre du "club". Je vous explique.

On a longtemps eu un problème avec les bébés des autres. Dans la mesure où nous, on en avait pas. Le dialogue, vous le connaissez très bien.

-Gertrude est enceinte.
-Fuck. C'est la quatrième depuis six mois! Câlisse de tabarnak, j'en reviens pas. Crisse de marde! Pis en plus, c'est son deuxième bébé, ostie! Juste de même! Bang bang bang, oh oh oh oui plus creux plus creux oh ouiiiii pis deux semaines plus tard, c'est heille tout le monde, CHU ENCEINTE! (Chers Français, j'ai inclus les jurons québécois d'origine religieuse tout spécialement pour vous.)
-Ouein. Va falloir acheter un cadeau, pis se donner un air de Bonhomme Grand Sourire quand on va le donner, câlisse d'ostie.
-Bon. Ben qu'est-ce tu veux. On va commencer par envoyer des fleurs, merde. C'est quoi le numéro de la chambre?

Alors voici. Puisque la FIV a fonctionné et qu'on a eu des bébés, on devrait, selon la théorie, tourner la page sur tout ça. Sur cette amertume qui contaminait la vie.

Mais non. On n'a pas tourné la page. D'abord, parce qu'on a été infertile longtemps, et que les bébés sont encore tous frais. Ensuite, parce qu'on a des amis infertiles. Et là, je vais vous parler du malaise.

On les connaît depuis plusieurs années. Ils sont infertiles, comme nous. On a commencé les traitements en même temps qu'eux. La différence? Nous, ç'a fonctionné. Eux, pas encore. Et on est vraiment, vraiment triste. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on pense à eux. Souvent, j'y pense plusieurs fois en une semaine. Pendant la grossesse, ça commençait déjà à être difficile d'aborder le sujet avec eux. Depuis l'accouchement, c'est pire. Et pourtant... On voudrait leur dire à quel point ça nous fait très, très mal de les voir comme ça, de l'autre côté de la clôture. On voudrait les voir de ce côté-ci.

Je vous raconte tout ça parce qu'au fond, même si les bébés ont bouleversé notre vie, on fait encore partie du club des infertiles.

dimanche 28 décembre 2008

La vie très, très remplie

Je sais. Des mois sans nouvelle entrée. Quelle horreur. Si je ne suis pas venu pendant tout ce temps, c'est parce que le temps, je n'en avais carrément pas. C'est con d'même.

Je suis déchiré entre le désir de continuer et de vous raconter comment ça se passe (on est exténué, mais les choses vont de mieux en mieux), et l'effort énorme que représente un blogue bien nourri.

(Ma blonde lit au-dessus de mon épaule en ce moment-même. "Ben là, continue!", me dit-elle.)

Alors je n'ai pas le choix, c'est ça?

Ils ont maintenant deux mois et demi. Voici donc, en bref, notre vie.
1-bonheur
2-couches
3-boires
4-vêtements souillés
5-pleurs
6-privation de sommeil
7-répéter 1 à 6 dans un cycle ininterrompu qui vous draine chaque goutte d'énergie qu'il vous reste, tout le temps, sans arrêt, sans pause ni répit. Mais on se dit chaque jour qu'on n'a pas le droit de se plaindre: c'est ce qu'on voulait, et on est extrêmement chanceux. Ils sont beaux comme des coeurs et on est en amour par-dessus la tête.

On se revoit, alors... :)

jeudi 7 août 2008

Propre propre propre

Aujourd'hui, la femme de ménage est venue. J'ai demandé, poliment bien sûr car la qualité de son français tire la moyenne québécoise vers le bas (soyons très diplomates), si elle pouvait laver les planchers. La maison n'est pas exactement un abattoir, mais quand même, voyez-vous, on n'est pas du genre à enlever les souliers à chaque fois qu'on entre. Pas notre genre. (On habite la ville, pas la campagne.) En plus, elle n'était pas venue depuis un mois.

(Permettez-moi une parenthèse sur l'aide ménagère. Pendant des années, je me suis opposé. Des années. Récemment, avec mes tâches qui ont augmenté inversement proportionnellement aux heures de canapé de ma blonde, j'ai cédé. Je dois dire que je n'osais jamais imaginer qu'un lavabo de cuisine pouvait être si brillant.)

Lorsque je suis revenu du travail, ce soir après une journée trop longue comme c'est souvent le cas ces jours-ci, j'ai examiné les planchers. De près. Et là, j'ai eu l'idée d'un concept de "note de passage". La barème de notation pour à peu près tout, dans la maison, va tourner de plus en plus autour des bébés. Parce qu'en regardant le plancher du sous-sol, par exemple, je me suis demandé: "Pourrais-je concevoir qu'un bébé se mette à lécher le plancher tel que je le vois maintenant, là là, à 20h un jeudi soir, dans ce centimètre carré devant moi?"

Bon. Je vous vois lire cette entrée et penser: "Non mais relaxe, un bébé, ça met TOUTTE dans sa bouche, d'un ver de terre à un fil d'araignée en passant par une suce qui traîne dans le sable, tout le temps, sept jours sur sept..."

Oui. Mais quand on n'a pas encore d'enfants, on ne sait pas trop.

Et la propreté n'est qu'une toute petite partie du casse-tête. Lorsqu'ils auront 10 mois, 14 mois, qu'ils se mettront à ramper, grimper, marcher, je vais obséder sur les objets dangereux. J'imagine déjà une maison comme l'appartement du vieux fragile dans Amélie Poulain: des bouts de coussin sur tous les coins de meuble, du tissu ici et là, etc.

Alors dans la liste des choses à faire, on ajoute ceci: "Prévoir, mais ne pas névroser."

dimanche 27 juillet 2008

Et toi?

Ça fait longtemps et je vous resoumets le bonjour. Raison: la vie est bien remplie. Surtout quand la blonde, disons, en fait de moins en moins parce qu'elle est de plus en plus... Comment dire... Immobile?

La semaine dernière, nous avons franchi le cap des six mois. Au bureau, je me fais encore taquiner. Heille, des jumeaux, tu vas en avoir du travail, hein? Ça va pas être facile hein? Héhé! T'as déjà l'air fatigué, mon vieux!

Merci. C'est fou comment la nature humaine a trouvé le moyen, au fil des siècles, de trouver un équilibre absolument formidable de manière à osciller gentiment entre le sympathique et le profondément désagréable.

Bon. Je me plains le ventre plein.

Car au fond, ma blonde et moi sommes vraiment très heureux. Oui, elle est super stressée. C'est normal. Mais cette grossesse, on la voulait, et en général, tout baigne. (Touchons du bois.)

Tout de même, c'est drôle. Je me rends compte avec le temps qui passe que la star, c'est pas nécessairement les bébés qui s'en viennent. C'est ma blonde. Même lorsqu'elle n'est pas là.

Au bureau, les gens n'ont qu'une ligne de questions: pis, comment va ta blonde? Pis comment va la maman? Pis comment vont les nausées?

Heu, merci, ça va. Quant à moi, vous êtes gentil(le) de le demander, je vais pas si mal. Je continue de respirer et j'existe. D'ailleurs, collègue, je me tiens devant vous et j'occupe environ un mètre carré si je bouge un peu mes bras. Même, imaginez-vous, j'ai des "sentiments" et des "impressions" et des "choses à dire".

Quelle ne fut pas mon étonnement cette semaine lorsqu'une collègue m'a demandé comment j'allais. Sans blague, je n'ai pas su quoi répondre sur-le-champ.

Je m'en voudrais toutefois de ne pas reconnaître une chose. Ils ont raison. Ces jours-ci, je n'ai, en effet, qu'un rôle de soutien. La star, celle qui fait tout le travail, c'est la future maman...

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Mise à jour 20 minutes plus tard: "Moi, je te demande comment tu vas, non?", me dit ma blonde. C'est vrai. Mais je ne parlais pas de toi.

jeudi 5 juin 2008

Y'en a tu dans vos familles?

Il y a des choses que l'être humain saisit mal dans le détail. Il comprend l'essentiel, mais ne lui demandez surtout pas d'entrer dans le vif du sujet, il ferait un court-circuit neuronal. Des exemples? L'impôt, la géopolitique du Moyen-Orient, la crise alimentaire.

Un autre: la procréation.

Ainsi donc, comme dirait le quidam, l'annonce d'une arrivée imminente de deux nouveaux êtres dans ce monde suscite souvent la même question: y'a tu des jumeaux dans vos familles? L'usage de l'adjectif possessif "vos", je me sens presque niaiseux de le dire, traduit une profonde incompréhension du phénomène.

Et si, par exemple, je répondais: "Ouein, du bord de mon père, il y a trois paires de jumeaux pis deux paires de triplets! Mais du côté de ma blonde, eh! Rien du tout! C'est fou hein? Donc bref, moi aussi je vais avoir des jumeaux..." Les gens verraient-ils l'illogisme? Certains, probablement pas.

Pas compliqué: si c'est des jumeaux, soit que l'embryon s'est divisé en deux très tôt dans le processus, soit que la fille a produit deux ovules et qu'ils ont chacun été fécondés par un spermatozoïde différent. LE GARS N'A RIEN À VOIR.

Mais à entendre les questions qui me sont balancées, on croirait que la chose se transmet de génération en génération, d'un côté ou de l'autre de l'arbre généalogique, comme une sorte de maladie qui sème le bonheur.

Je pense du coup à d'autres incompréhensions collectives, d'autres légendes urbaines et mythes absolument incongrus... Ne vous baignez pas après avoir mangé, vous aurez des crampes. Si vous approchez un pissenlit de votre menton et que votre peau prend un aspect jaunâtre, vous faites souvent pipi au lit. L'être humain n'utilise en réalité que 10 % de son cerveau, etc.

Quand même, je les regarde dans les yeux et je leur donne la seule réponse scientifiquement valable: "Oui, du côté de ma blonde."

Le deux poids, deux mesures

C'est fait. Il y a quelques semaines déjà, j'ai annoncé à mes supérieurs et à mes collègues que ma blonde est enceinte. "Bravo bravo", "Félicitations...", "Des jumeaux? Oh pauvre toi!", etc.

Un des patrons haut-placé dont le travail est de "gérer" le personnel -- ce qu'il fait plutôt mal, mais que voulez-vous, on n'a pas tous le don d'interagir chaleureusement avec d'autres êtres humains -- ne m'a pas félicité IMMÉDIATEMENT, comme ce fut le cas avec les autres. Ça lui a pris cinq ou six secondes, après un silence que j'ai noté bien méticuleusement. Dans sa tête, j'ai vu tout de suite qu'il pensait au casse-tête que le congé allait créer pour lui.

Sachez que du coup, j'ai mis les cartes sur la table: voici, chers patrons, ce que la loi prévoit, et voici le congé que j'entends prendre. J'ignore comment ça se passe en France, mais au Québec, une loi adoptée en 2006 permet au couple de se partager un an de congé parental, comme bon lui semble. C'est génial. C'est le genre de chose qui donne aux gens de gauche l'impression que tout n'est pas perdu en ce bas monde de cash et de conneries. Alors je prends plusieurs, plusieurs, plusieurs mois.

Depuis quelques années au Québec, on vit une sorte de mini-mini-baby-boom. Rien de majeur, mais dans les milieux de travail, les congés de maternité se sont multipliés. Y compris le mien. Les filles partent pour un an, systématiquement. Les gars, deux ou trois mois. Et les patrons ne disent rien. Ils n'ont pas intérêt à sourciller; ils se feraient lyncher, tout simplement.

Mais étrangement, pendant quelques jours je me suis senti coupable. Personne n'est irremplaçable, mais quand même, un long congé de ma part va plonger mes collègues dans la merde. Jusqu'aux genoux, disons. C'est ce que je me disais. Jusqu'à ce que je revienne à la raison: si mes collègues féminines partent un an, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas partir six mois?

Et je me suis trouvé tellement niaiseux de m'être senti coupable, vous n'avez pas idée.

jeudi 22 mai 2008

"J'ai l'air enceinte"

Oui, je sais. De longues semaines entre les entrées sur le blogue. J'ai honte. Très, très honnêtement. Si je pouvais écrire à tous les jours, je le ferais. Mais c'est impossible. Trop de choses dans la vie.

Dimanche après-midi, donc, dans un centre d'achat de l'ouest de Montréal. Boutique de maternité tout ce qu'il y a de plus "peuple". Une gérante ultra sympathique, des vêtements pas si mal, mais rien de chic. On essaie des jeans -- quand je dis on, c'est ma blonde, on s'entend là-dessus hein -- on essaie des jeans donc.

-C'est-tu beau?
-Pas pire. En fait c'est très bien.
-Ouein mais j'ai l'air enceinte.
-Heu, c'est ce que tu ES.
-Ouein. Ouein c'est vrai.
-(...)

Vous venez de comprendre, en trois lignes, la complexité du cerveau féminin. Bref, à la fois être féminin, svelte et avec les courbes à la bonne place, mais en même temps, pas nécessairement être trop... comment dire... grosse? On veut bien, mais la grossesse entraîne tout de même une certaine prise de poids dans la région du milieu. Me semble que c'est évident.

Ce qui m'amène à l'évidence prochaine. Celle de moi qui annonce, dans mon milieu de travail, la grossesse de ma blonde. Vous vous en doutiez peut-être. Je réserve ce passage de la vie pour la prochaine entrée sur le blogue. Je pense qu'il y a matière à, comme on dit en latin.

samedi 3 mai 2008

C'tu naturel?

La décision de recourir à une fécondation in vitro pour avoir un enfant -- ou des, c'est selon -- est mûrement réfléchie. Vous y avez pensé des mois durant, vous avez pesé les risques, vous avez décortiqué la mécanique jusque dans ses derniers retranchements subatomiques n'est-ce pas, vous savez comment ça va se passer, les traitements, les injections, les horaires, etc.

Alors voici, je vous annonce en GRANDE PRIMEUR MONDIALE -- vous l'avez lu ici en premier, ne l'oubliez jamais -- que ce n'est pas tout. Il y a la mécanique, mais il y a aussi l'interprétation. Celle des autres, j'entends. Extrait.

-On vous annonce qu'on, c'est à dire pas moi mais elle, hein, les hommes ça sera pour plus tard, hum hum... est enceinte!
-Oooh! Nooooooooooooooooooooooooon! Félicitations!!! C'est pour quand?
-Genre l'automne... Mais c'est pas tout.
-Hein?
-Y'en a deux.
-Wouaaaaaaa! Wow!!!!! Heille ça c'est l'fun! Ça va être d'la job hein ça!!! Wow! Heille super cool!

(Généralement, ici la conversation arrive à la croisée de deux chemins. Soit vous continuez à imaginer la charge de travail inhumaine que représentent deux nouveaux-nés arrivés dans la maison en simultané, soit l'interlocuteur passe à une prochaine question, beaucoup plus pertinente que toute forme de considération pop-philosophique sur l'art d'être un parent responsable, disons.)

-Des jumeaux... Hmm. C'tu naturel?

(Ça se corse. Ici, vous avez deux options. Le choix de réponse, préférablement, doit avoir été validé en couple au préalable.

1-Vous pouvez jouer cartes sur table, vous mettre à nu et dire qu'en effet, Ginette, c'est pas naturel. Vois-tu, Ginette, moi j'ai un problème. Je sais pas comment c'est arrivé, je sais pas quand, j'étais peut-être ti-cul pis je me suis baigné par hasard dans un marécage radioactif, mais j'en ai un et apparemment je peux rien y faire. Kesse tu veux, y'a des choses comme ça qui sont incontournables, qui vont au-delà de la raison. Alors on a fait ça dans un labo, on a fini par mettre dans ma blonde deux embryons, ma tite Ginette, pis les deux ont collé. Mais on n'est pas ici pour discuter philo, hein Ginette?

2-Vous faites comme si rien n'était. Oui, bien sûr que c'est naturel! Hé wô! Non mais tsé! Des jumeaux, on en a PLEIN DANS NOS FAMILLES, tous bords tous côtés!)

Les gens ont le droit de poser la question. Certains osent, d'autres le pensent tout bas. Mais au fond, que ce soit naturel ou pas, ça change quoi? Hein? Ça change quoi? Ce qui va sortir, c'est pas des robots, crisse, c'est des bébés.

lundi 28 avril 2008

Membre à vie

La vie a cette maudite habitude d'imposer à l'homme (et à la femme) une mécanique bien à elle, qu'on l'aime ou non (la vie, mais la femme aussi, non mais tsé). L'équation, que je vous résume brièvement pour éviter que vous ne vous endormiez dans les 13 prochaines secondes, ressemble à ceci: GPG=X.

Autrement dit, on passe du général (G) au particulier (P) au général (G). Le X est le résultat. Vous ne comprenez toujours pas? La plupart du temps, moi non plus. Mais je vous donne un exemple concret.

Avant-hier, nous sommes allés manger avec des amis. Ils ont un bébé d'un an. Ils ne savent pas que ma blonde est enceinte. Au préalable, je devais appeler pour fixer l'heure du rendez-vous.

Moi: Alors on se dit quoi, 11h?
Amie: Ben, quelle heure est-il, en ce moment?
Moi: 8h30.
Amie: Ok, ben en tout cas, on était debout à 6h30 hein... Alors on a l'impression d'être déjà en après-midi.

Sur le coup, je me dis que ça ne se peut pas. On ne leur a jamais dit qu'on est infertile, mais on parie assez fort qu'ils s'en doutent. Or je cherche le sens. Si le commentaire est une blague, si c'est une réflexion de nature philosophique sur l'absurdité du temps et ses conséquences sur le vivre du surmoi-- c'est sûrement pas ça, entendons-nous --, ben là je ne la comprends pas du tout.

On sait ben, quand t'as pas d'enfant, tu sors du lit le plus tard possible, t'es essentiellement une larve, vois-tu. Un parasite, voilà ce que tu es, un gros con stérile dans une société où l'absence de procréation est un non-sens, parce que le but est d'avoir des familles, de générer de la progéniture pour qu'on les entraîne à consommer des téléviseurs géants, qu'on les montre aux voisins et qu'on vogue vers le progrès, vois-tu? Alors si t'as pas d'enfant, tu te lèves tard et tu ne comprends pas, c'est tout.

Non, je vois pas.

Le pire, c'est que la veille, le gars du couple a dit quelque chose d'un peu con à ma blonde, là aussi dans la veine du "tu verras, quand tu auras des enfants".

Une fois au resto, on était tellement en crisse (désolé pour le Québécisme, les Français) qu'on leur a même pas annoncé.

Tout ça pour revenir à l'équation. La situation de départ, c'est à dire le général (G), c'est qu'on est en situation d'infertilité. Le particulier (P), c'est que la science moderne nous a permis de tomber enceinte. Or suffit d'une étincelle pour que soudainement on quitte le particulier pour prendre un peu de recul. Nous revoilà en général (G), avec une vue d'ensemble, et on se rend compte d'une chose fort simple (X): même si ta blonde est enceinte de jumeaux, tu fais encore partie du Club des infertiles, mon vieux.

lundi 14 avril 2008

Festival Sons et Lumières

La présence d'une fille enceinte dans mon entourage immédiat, nommément ma blonde, génère une quantité d'anecdotes spectaculaire, tant au chapitre des émotions (lorsqu'on a constaté, autour de la 8e semaine, qu'elle avait perdu un peu de poids) que des surprises d'ordre purement corporel (je vous laisse deviner, mais ça rime avec "omir", qui n'existe pas mais que j'utilise quand même).

Comme ce soir, par exemple. Elle arrive du travail. J'entends la porte. Je monte dans la cuisine.

-J'ai presque vomi dans l'auto.
-Hein?? Tu AS vomi? (je me vois déjà en train de passer deux heures en train de frotter le siège du passager)
-Presque.

Ou bien au moment du repas. Elle a des nausées, mais le médicament qu'elle prend depuis quelques semaines lui a redonné le goût de manger, parfois assez violemment d'ailleurs. Remarquez, le jour, je ne suis malheureusement pas là pour la voir courir au casse-croûte à toutes les demi-heures, mais je crois comprendre que ça y va par là, comme on dit au Québec.

Cet appétit renouvelé, combiné à des séances d'engouffrage (j'ai pas le dictionnaire sous la main, désolé chers puristes) de bouffe, donne lieu à toutes sortes de choses. Le plus souvent, c'est un rot, assez puissant dans la mesure où on soupçonne à travers la manifestation sonore un fond liquide.

D'ailleurs, ce soir au moment du massage après la piqûre, j'ai annoncé mes couleurs.

-Je vais faire une entrée ce soir. Ça fait longtemps. Je vais l'appeler "Festival Sons et Lumières".
-Tu devrais appeler ça "Sons et Liquides".

Et elle a souri. Elle souffre. Au moins on peut en rire un peu. J'ai bien dit "un peu". L'important, c'est que dans une semaine et demie, on sera à 12 semaines. Ce qui veut dire une chose: fini les nausées!

mercredi 2 avril 2008

L'agenda

Je n'ai pas d'agenda électronique. Plutôt, le mien est fait de papier, et un seul coup d'oeil cette semaine donne des frissons. Les journées sont bien chargées. Aujourd'hui, par exemple, j'ai eu l'impression de courir toute la journée, un peu comme une poule sans tête. Je suis rentré à la maison vers 20h30, après avoir fait des courses assez volumineuses.

Ma blonde avait déjà pris une bouchée. De plus, ses nausées l'empêchent de faire quoi que ce soit dans la cuisine. J'ai donc fait le souper -- quelque chose de sommaire, on s'entend, car les hommes sont généralement paresseux lorsqu'il faut préparer de la bouffe pour des raisons purement alimentaires, en fait ça finit souvent par être des pâtes -- et là, vers 21h58, j'ai enfin l'impression d'être bien installé dans ce qui s'apparente à une soirée... qui se terminera toutefois vers 23h15, car dodo.

On dit souvent que des journées de 25 heures seraient bien commodes pour quiconque a besoin de plus de temps libre. Les plus cyniques disent qu'elles ne feraient qu'ajouter une heure de travail, mais personnellement, j'essaierais quand même.

On dit aussi que le temps, c'est de l'argent. Si c'est le cas, je suis en faillite. Ces temps-ci, il n'y en a pas assez.

Comme on dit au Québec, j'ai un ti-peu la chienne (pour les Français: avoir peur). En fait, la chienne, non. C'est un peu fort. Disons que j'essaie d'imaginer le jour, après l'accouchement, où il y aura dans la maison non pas deux personnes, mais QUATRE. Le temps sera une denrée rare, encore plus que maintenant.

Aurai-je le temps de lire? De regarder le téléjournal? De respirer?

lundi 24 mars 2008

Le déni

Enfin.

Des excuses très longues et accompagnés de pirouettes aux lectrices (et lecteurs) qui se demandaient si quelque chose d'horrible nous empêchait d'écrire. Nous revoici donc après un petit périple à l'extérieur du pays. On est revenu sains et saufs. Et parce qu'on s'ennuyait trop de cet hiver de con qui n'en finit plus au Québec. Non mais, puisqu'on a la chance de vivre quelque chose d'historique...

Aussi, je suis en déni. (Ma blonde le sait, on ne s'inquiète pas.)

Pour ceux qui viennent de se joindre à nous, je vous explique. Après plus de deux ans d'efforts inutiles côté procréation, ma blonde et moi vivons quelque chose de majeur. On avait des embryons congelés. On les a fait transférer. Et boum: elle a des symptômes assez violents comme des nausées, une sensibilité extrême aux odeurs, des appétits variables, des coups de fatigue soudains. Nous sommes allés à la Clinique pour une échographie la semaine dernière. Pas un, mais DEUX coeurs qui battent. On voit tout ça à l'écran. J'étais ému, c'est le moins qu'on puisse dire.

Pour des êtres humains normalement constitués -- c'est à dire un groupe de gens dont je ne fais probablement pas partie --, ces choses seraient plus que suffisantes pour conduire à une conclusion simple, évidente et claire: elle est enceinte.

Mais voyez-vous, mon cerveau -- un cerveau de gars, on s'entend, donc limité dans ses capacités d'abstraction -- ne fonctionne pas comme ça. Je fonctionne un peu sous l'ancien régime. J'ai besoin d'un ventre. Un gros ventre qui gonfle. Ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

"Je comprends pas. Pourtant, t'as vu toutes les étapes, et là, tu me vois dans mon état. Je penserais pas que tu serais comme ça", viens de me dire ma blonde au moment de se faire border. Elle est exténuée. Et puisque je voulais faire une entrée sur le blogue, me voici.

Étrangement, j'ai déjà vécu une forme de déni mais c'était au DÉBUT de toute cette histoire, au moment du diagnostic. Le choc était si gros que la trame narrative des semaines qui filent avait soudainement quelque chose d'irréel. Comme un coup de poing au ventre qui nous fait perdre la notion du temps et du concret.

Mais pas de doute, des symptômes, il y en a. Les désirs de bouffe qui changent d'une demi-heure à l'autre, par exemple. Difficile à suivre, surtout quand on prépare quelque chose de précis pour le souper. Je m'ajuste en conséquence.

Hier soir, mon beau-père a profité d'un mini-moment seul avec moi dans la cuisine pour me glisser un conseil. C'était à la blague, bien sûr, mais impossible de penser qu'il n'y avait pas aussi une tranche de sérieux. "À partir de maintenant et pendant sept mois", m'a-t-il dit, "tu dis toujours oui".